Voyons-nous le monde tel qu’il est ou tel que nous croyons qu’il est ?

Et si nous déformions la réalité en fonction de notre humeur, de notre volonté plus ou moins consciente de nous faire du mal ?

Cette question, aussi vieille que la philosophie, touche à l’essence même de la perception humaine. Chaque jour, nous sommes confrontés à des milliers d’images, d’événements et de situations. Pourtant, ce que nous voyons n’est pas la réalité brute. Nous filtrons cette réalité, souvent inconsciemment, à travers le prisme de nos croyances, de nos émotions et de nos attentes. Et dans ce processus, nous contribuons à nourrir notre propre souffrance, parfois sans même nous en rendre compte. Pourquoi faisons-nous cela ? Quel bénéfice en tirons-nous, même lorsque cela semble nuisible ? Ce paradoxe mérite d’être exploré, car il influence profondément la manière dont nous interagissons avec le monde et avec nous-mêmes.

1.

La perception : un miroir déformant

« Nous ne voyons pas le monde tel qu’il est, mais tel que nous sommes », disait Anaïs Nin. Cette phrase résume brillamment la manière dont nos expériences, nos peurs et nos espoirs colorent notre vision de la réalité. Lorsque nous nous sentons bien, le monde semble plus lumineux, les gens plus accueillants, et les problèmes plus gérables. Mais lorsque nous sommes pris dans la spirale du doute ou de la peur, chaque situation paraît plus menaçante, chaque sourire devient suspect. Pourquoi ? Parce que notre esprit projette ses propres états internes sur l’extérieur.

C’est ce que le psychologue Carl Jung appelait la « projection psychologique ». Nos insécurités, nos blessures et nos croyances s’impriment sur le monde, et nous finissons par voir en lui ce que nous redoutons ou espérons le plus. Cette déformation de la réalité nourrit notre « corps de souffrance », comme le désigne Eckhart Tolle. Ce corps de souffrance est un réservoir d’émotions négatives, un fardeau que nous portons souvent sans en avoir conscience, et que nous alimentons en ressassant les mêmes pensées négatives.

Mais quel est le bénéfice d’une telle souffrance ? En effet, il est difficile de percevoir l’intérêt immédiat de ce processus. Cependant, notre esprit, cherchant toujours à nous protéger, préfère parfois la stabilité du malheur connu à l’incertitude du bonheur. Le corps de souffrance, aussi douloureux soit-il, devient une sorte d’habitude psychologique, un espace où nous nous réfugions pour éviter l’inconnu.

2.

L’effet de nos croyances sur la réalité

Bouddha a dit : « Tout ce que nous sommes résulte de nos pensées. » Cette simple affirmation met en lumière l’importance de nos croyances et de nos pensées dans la création de notre réalité perçue. Si nous croyons fermement que le monde est un endroit dangereux, hostile, c’est ainsi que nous le verrons. Chaque interaction sera un potentiel conflit, chaque difficulté une montagne insurmontable. À l’inverse, si nous croyons que le monde est plein d’opportunités, nous serons plus enclins à voir le verre à moitié plein, à saisir des occasions là où d’autres n’aperçoivent que des obstacles.

Cette sélection inconsciente de ce que nous voyons se manifeste également dans le concept de la « cécité des inattendus ». Des études en psychologie montrent que nous ne percevons souvent que ce que nous attendons. Par exemple, dans une expérience célèbre, des participants observant une scène de basket-ball n’ont même pas remarqué un gorille traversant la scène, car ils étaient trop concentrés sur le jeu. Ce phénomène montre à quel point nos croyances, attentes et focalisations mentales influencent ce que nous voyons — ou ne voyons pas — autour de nous.

De plus, notre culture, notre éducation et nos expériences personnelles jouent un rôle majeur dans la formation de ces croyances. Ce que nous avons appris enfant, les traumatismes que nous avons subis, les succès que nous avons vécus, tout cela contribue à bâtir une vision du monde qui n’est pas nécessairement en phase avec la réalité objective. Cela peut être bénéfique dans certains cas, mais aussi très limitant.

3.

Comment transformer notre vision du monde pour plus de bien être

Si nos croyances et nos émotions influencent à ce point notre perception, la question suivante est évidente : comment pouvons-nous changer cette vision pour alléger notre souffrance et voir le monde sous un jour plus positif ? Heureusement, il existe des actions simples, à pratiquer quotidiennement, qui peuvent peu à peu transformer notre manière de percevoir le réel.

  1. La pleine conscience : Pratiquer la pleine conscience, ou « mindfulness », permet de nous recentrer sur l’instant présent, en observant nos pensées sans les juger. En prenant conscience des filtres par lesquels nous interprétons le monde, nous pouvons progressivement les dissoudre et voir la réalité plus clairement. Méditer quotidiennement, même quelques minutes, est un moyen puissant de briser le cycle des pensées négatives.
  2. Changer son dialogue intérieur : Nous devons prêter attention aux mots que nous utilisons avec nous-mêmes. Les affirmations positives, telles que « Je suis capable » ou « Je mérite d’être heureux », aident à reprogrammer notre esprit et à orienter notre attention vers des éléments positifs du monde qui nous entoure.
  3. La gratitude : Cultiver la gratitude est une autre manière efficace de transformer notre perception. Chaque jour, noter trois choses pour lesquelles nous sommes reconnaissants nous entraîne à focaliser notre attention sur ce qui va bien dans notre vie, plutôt que sur ce qui ne va pas. Avec le temps, cela reconditionne notre cerveau à voir le positif avant le négatif.
  4. Éviter les pensées automatiques : Ces pensées négatives qui surgissent sans cesse dans notre esprit peuvent être reconfigurées en nous entraînant à reconnaître lorsqu’elles apparaissent. Dès que nous identifions une pensée nuisible, nous pouvons la remplacer par une alternative plus constructive.
  5. S’entourer de positivité : Les gens avec qui nous passons du temps influencent grandement notre vision du monde. S’entourer de personnes positives, optimistes et bienveillantes peut avoir un effet direct sur notre propre perception et état d’esprit.

Conclusion provisoire

choisir ce que nous voyons

Nous avons plus de contrôle que nous ne le pensons sur la manière dont nous percevons la réalité. Ce que nous voyons autour de nous n’est pas une vérité absolue, mais une sélection inconsciente, basée sur nos croyances et notre humeur. En changeant nos pensées, en cultivant la pleine conscience et la gratitude, nous pouvons commencer à voir le monde sous un jour plus lumineux, à repérer les opportunités plutôt que les obstacles.

Comme le disait le philosophe allemand Friedrich Nietzsche : « Il n’y a pas de faits, seulement des interprétations. » Alors, pourquoi ne pas choisir des interprétations qui nous rendent plus heureux, plus ouverts et plus en harmonie avec le monde ? C’est en cela que réside le véritable pouvoir de la perception : elle peut nous libérer ou nous emprisonner, et cette clé est entre nos mains.

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